Christian Bobin – Geai
ByAlbain, huit ans, est un doux rêveur qui contemple la nature, la vie. Il prend le temps pour tout observer même ce qui semble le plus banal. Et un jour, il voit un sourire au travers du lac gelé Saint-Sixte. Ce sourire dévoile un visage et une femme, une femme vêtue d’une belle robe rouge. Depuis ce jour Albain vient la voir tous les jours et ils se sourient, puis finissent par se parler. Elle s’appelle Geai et, elle est là, morte sous une couche de glace. Il est le seul à la voir. Geai n’est pas son vrai prénom, c’est celui qu’elle a donné quand il lui a demandé – Je trouve qu’il résume parfaitement cette histoire et son sens. Geai c’est un oiseau, l’oiseau est synonyme d’envol, de liberté -. Un père qui ne parle pas, dur, une mère aimante mais parfois absente, deux soeurs qui chahutent. Albain est dans son monde et il s’y sent bien. Geai est toujours là avec lui, elle a quitté le lac et le suit, le soutien tout le long de son enfance, il l’aime, elle l’aime.
Mais pour ce garçon hors norme, il est difficile de trouver sa place dans le monde : « C’est une vieille loi du monde, une loi écrite : celui qui a quelque chose en plus a, dans le même temps, quelque chose en moins. Albain a quelque chose en plus, il voit Geai. (…) Le monde est quelque chose qu’Albain a en moins : il n’y trouve pas sa place. Il l’a cherché longtemps jusqu’au jour où il a compris qu’il n’en a jamais eu. » Et il n’a pas plus envie que ça d’en faire partie. Une révélation en regardant Laurel et Hardy a 10 ans : « Il y a le monde, puis le gros et enfin le maigre. Le monde fait souffrir le gros qui a son tour fait souffrir le maigre. La vie ressemble à un film de Laurel et Hardy. Une chaîne de douleurs reçues et puis transmises. Qu’est-ce que vous voulez que je fasse là-dedans ? Rien dans cette histoire ne m’intéresse. Je n’aime pas les gros teigneux ni les maigres geignards. Je préfère le sourire de Geai ou l’étincelle dans les yeux de ma mère quand elle revient de Lyon. Je préfère ce qui n’est pas dans le monde, ce qui flotte légèrement au-dessus, je préfère ne pas entrer dans le monde et rester sur le seuil – regarder, indéfiniment regarder, passionnément regarder, seulement regarder.«
On le prend pour un idiot dans son village lorsqu’il devient adulte, et ses parents, inquiets, le confient alors à un marchand pour qu’il apprenne le métier de vendeur. Contre toutes attentes Albain est un bon vendeur car il sait écouter les gens. Alors que les clients vont acheter au marchand pour le faire partir et avoir la paix, ils achètent à Albain pour le remercier de cette pause dans cette vie qui court toujours, un arrêt dans le temps savoureux, une discussion paisible. Albain refuse même certaines ventes à des gens qui ne roulent pas sur l’or. Il est un amoureux de la vie, et il aime les gens. « Le vrai bonheur ce n’est pas la promesse de vente, le contrat signé. Le vai bonheur c’est ça : un visage inconnu, et comment la parole peu à peu l’éclaire, le fait devenir familier, proche, magnifique, pur.«
C’est une incursion dans l’enfance, le cheminement vers le monde adulte, et qui nous interroge sur les raisons de notre existence, sur ce qui est essentiel ou non. Ce roman, plutôt un conte, nous raconte ce qu’est d’être hors norme, d’avoir des aspirations différentes et la place qu’on nous donne, ou pas. Il met en exergue la part de rêves et d’imaginaire qui est en nous, la part d’enfance qui nous suit, le choix que nous avons de notre façon d’exister, notre légitimité à l’unicité, à la différence. Qui sommes-nous ? Que faisons-nous ? Où allons-nous ? Comment et pourquoi ? Avons-nous le choix ?
Je vous laisse le soin de découvrir la suite de cette histoire qui a encore beaucoup à dire, vraiment beaucoup !
Une histoire pleine de douceur, de poésie et de beauté, un large sourire à la vie, je vous le conseille, c’est un coup de coeur pour moi. Les mots de Bobin reste toujours en moi après cette lecture que j’ai déjà terminée depuis plusieurs jours. Le message, les messages de cette histoire résonnent en moi, une philosophie de vie, le droit d’être ce que nous sommes.
Quelques citations :
« Il est si paisiblement seul, si lumineusement seul que le filles le regardent. La solitude parfois repousse (…) Et la solitude parfois attire. C’est qu’il y a autant de solitudes que de lacs. On devrait dire à ces jeunes filles que c’est très beau d’aller vers un solitaire, que cela donne des frissons comme d’approcher un animal sauvage et doux. Le malheur c’est que, si vous réussissez à attraper un solitaire, vous le perdez : il n’est plus seul. Ce qui brillait autour de lui commence à s’éteindre. Les vers luisants sont fascinants dans le ciel plein d’herbe des bas fossés. Dans le creux de la main, ils n’ont presque plus de charme et ne donnent qu’une lumière pauvre, avare.Certaines choses et certains êtres ont besoin de la distance qui les sépare de nous, et que cette distance demeure infranchissable. »
« Voir, entendre, aimer. La vie est un cadeau dont je défais les ficelles chaque matin, au réveil. La vie est un trésor dont je découvre le plus beau chaque soir, avant de fermer les paupières : Geai assise au pied du lit, souriante. »
Quatrième de couverture :
« Geai était morte depuis deux mille trois cent quarante-deux jours quand elle commença à sourire. »
Biographie :
Christian Bobin, né le 24 avril 1951 au Creusot en Saône-et-Loire où il demeure, est un écrivain français. Tour à tour poète, moraliste et diariste, il est l’auteur d’une œuvre fragmentaire où la foi chrétienne tient une grande place mais avec une approche distanciée de la liturgie et du clergé. Sa biographie complète ici.
Cette lecture fait partie des « Lecture commune de Laure« , voici donc le lien des participants :
Je l’intègre également au challenge Christian Bobin chez Yuko au challenge Totem de Liligalipette, au challenge Animaux du monde de Sharon et au challenge Petit Bac chez Enna pour le prénom.
Beau billet Laure. Je ne connais pas du tout cet auteur mais tu m’as donné envie de découvrir Geai, je le note !
C’est le deuxième que je lis de lui et j’en ai prévu d’autres encore 😉 J’aime sa poésie, sa philosophie et le sujet qu’il traite pour l’instant 😀
Bonne journée bises 🙂
J’avoue ne pas l’avoir encore lu celui-ci mais tu en parles tellement bien que ça va être difficile de résister… 🙂 Merci de ta participation au challenge ^^
Avec plaisir ! 🙂
N’hésite surtout pas à le lire ! 😀
Bonne journée Yuko 🙂
J’ai beaucoup lu Bobin une époque. J’ai quelques titres encore au chaud dans ma PAL, tu m’as donné envie de les en sortir :0) L’histoire de celui ci me semble très poétique. C’est un roman cette fois, non ?
Oui j’en ai d’autres moi aussi 😉
C’est un petit roman de 112 pages 🙂
J’espère qu’il te plaira autant qu’à moi !
Bonne journée 😀
ho la la, cette histoire a quelque chose qui me fait penser à « Neige » évidemment, je ne me suis jamais lancée dans du Bobin, je n’en ai pas eu l’occasion, mais ça me plait ce que tu en dis. Je vais le noter
J’ai Neige dans ma Pal, mais pas encore lu 🙂
C’est vraiment marrant car c’est encore après la lecture que tout m’est venu et ce livre me reste encore dans la tête. Il a une écriture très plaisante en plus !
J’aime sa philosophie et les messages qu’il veut faire passer 🙂
J’espère que tu aimeras aussi 😉
Bonne journée à toi !
Je connaissais Christian Bobin pour sa poésie, mais ta chronique m’a bien donné envie de découvrir ce récit de lui ! (Merci)
Alors j’espère que tu l’apprécieras 😉
Je te souhaite une bonne soirée 😀
Voilà tu suscites l’envie chez les internautes, bravo 😀
Merci Jean-Charles 😉 bises
Un livre que je ne connais pas mais dont le héros me plaît : ne pas aimer le monde actuel, cela se produit de plus en plus et un vendeur qui ne force pas la main du client et le respecte au contraire : le rêve ! Tu en parles très bien ! Bon week end Laure Bises
Merci Paulette 🙂 Si tu as l’occasion de le lire, tu me diras ce que tu en as pensé 😉
Bon week-end Bises 😀
Magnifique! tu m’as donné envie de le lire…
Bisous.
J’espère alors que tu seras ravie de ta lecture 🙂
Bon week-end à toi 😉 bises
Je n’ai encore jamais lu Bobin, j’en lis le plus grand bien partout… Ce titre me semble parfait pour commencer !
Oui il fut le découvrir pour pouvoir faire son propre avis 🙂 Je l’apprécie beaucoup et ses lectures font du bien !
Bonne journée ! 😀
Il faut absolument que je lise cet auteur !
Il est à découvrir c’est certain ! 🙂
Bon dimanche 😀
J’ai aimé ce livre, oui, mais pas autant que toi je dois dire. Je suis toujours très sensible à l’univers de Christian Bobin dont tu parles très bien, mais « Geai » n’est pas un coup de coeur pour moi, juste un joli moment de lecture et c’est déjà pas mal ! Je ne sais pas pourquoi le tempérament d’Albain m’a agacée, je pense que c’est ce point qui m’a laissée un peu en marge. Mais la beauté de l’écriture illumine le tout, comme toujours. 😉
Je suis en retard Laure, je publie mon article aujourd’hui et je viendrai alors te donner le lien. Merci et bon dimanche ! 😀
A la fin du livre je ne me suis pas tout de suite dit que c’était un coup de coeur, mais il est resté dans ma tête longtemps et encore maintenant j’y repense souvent, il m’a marqué, beaucoup. Et en comparant à mes autres coups de coeur, je me suis dit que si j’avais mis les autres je devais le mettre aussi 😀 C’est ce genre de lecture qui me touche, mais pas que 😉
Bonne journée Heide 🙂
Je rajouterai ton lien quand tu me le donneras, merci 😀
Bises
J’ai commenté tout à l’heure et j’ai du quitter l’ordi sans envoyer le comm ! ;( Je te disais que j’aime bien Bobin mais à petites doses, ce livre me semble parfait pour continuer à le découvrir s’il ressemble à un conte ! Contrairement à JC, j’aime les Contes !!! 😆 Très beau billet ! 😉
Il me touche Bobin et pour l’instant c’est agréable pour moi de le lire 🙂
J’espère qu’il te plaira aussi celui-ci 🙂
Bises ❤
Voici mon lien Laure : http://a-fleur-de-mots.over-blog.com/article-christian-bobin-geai-115426797.html
Les textes de Christian Bobin sont si touchants et si délicats qu’ils nous accompagnent longtemps, tu as raison. Néanmoins, d’habitude, l’émotion m’étreint bien plus au moment de la lecture. Mais comme je le dis dans mon billet, on est sans doute plus exigeant avec nos écrivains préférés. 😉
Bon dimanche. Bises ! 😀
Le ressenti est très personnel et par rapport à notre vécu, nos envies, nos visions des choses, nos espérances, nos aspirations etc on sera touché de façons différentes. C’est ça qui est intéressant, de voir la diversité des avis et des interprétations que chacun en fait 🙂
Merci Heide, j’ai ajouté le lien sur l’article 😉
Bonne journée !
L’histoire m’intrigue mais tu en parles vraiment très bien.
C’est particulier mais cela a beaucoup de profondeur, j’ai adoré 🙂
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