Osamu Dazai – Soleil couchant
ByJe ne mets pas la quatrième de couverture car à mon sens elle en dit beaucoup trop.
Une famille d’aristocrates se voit ruinée à la fin de la seconde guerre mondiale. « Tels sont les gens du Soleil couchant » (lancée par Osamu Dazai, cette expression a fait fortune au Japon, au point de qualifier aujourd’hui, jusque dans les dictionnaires, les membres déchus de l’aristocratie) (extrait de la quatrième de couverture). Elle doit se résoudre à quitter sa luxueuse maison pour déménager dans un chalet de montagne plus sobre. Cette famille est composée de la mère et de Kazuko, la fille. « A présent, Mère était ruinée. Elle avait tout dépensé pour nous, pour Naoji et pour moi-même, sans nous refuser un yen, et elle était forcée de quitter la maison où elle avait passé tant d’années, pour entreprendre une vie de misère dans un pavillon, sans la moindre servante. » Le père est mort dix ans auparavant et le fils, parti dans les îles du sud pacifique n’a pas donné de nouvelles. Jusqu’au jour où l’oncle Wada leur apprend qu’il est toujours en vie et qu’il va revenir une fois qu’il sera désintoxiqué de toutes ses drogues. En effet Naoji est un drogué et ce depuis longtemps.
C’est vraiment très dur pour la mère de partir ainsi : « Je vais à Izu parce que tu es avec moi, parce que j’ai charge de toi. (…) – Et que feriez-vous si vous ne m’aviez pas ? demandai-je malgré moi. Mère fondit en larmes. – Je n’aurais rien de mieux à faire que de mourir. Je voudrais mourir dans cette maison où ton père est mort. » Kazuko, la narratrice, comprend alors le désespoir « Pour la première fois de ma vie, je réalisai quel enfer horrible, lamentable et sans espoir de salut représente la ruine. » Les débuts sont difficiles, Kazuko provoque un incendie sans le vouloir et c’est pour elle un terrible déshonneur. Elle aurait pu mettre le feu à tout le village alors de maison en maison elle va présenter ses excuses et remettre une liasse de billets. Elle ira travailler dans les champs, elle a été mobilisée, et Naoji reviendra. Mais que de façon ponctuelle car il ira ensuite régulièrement à Tokyo pour s’alcooliser avec un certain Monsieur Uehara Jirô, auprès duquel il contractera des dettes. Kazuko rencontrera cet homme une fois et elle tombera amoureuse de lui. Cependant cet homme l’ignorera sans répondre à ses lettres. La mère a des problèmes de santé et petit a petit son état se dégradera.
Dans ce roman très bien écrit, on nous parle du désespoir humain, de la condition de ces aristocrates déchus avec la seconde guerre mondiale, où l’aristocratie prendra un sacré coup de scalpel. Comment se comporter, comment vivre lorsqu’on perd son statut, sa richesse. Comment se recréer des repères quand les valeurs ne sont plus les mêmes et que tout ce que nous connaissions s’envole en fumée. Comment vivre avec la peur de l’avenir ? La force de garder certaines traditions de noblesse. On y parle aussi du désir vital pour une femme d’avoir un enfant et de tout ce qu’elle est prête à faire, aussi par amour. Ici on trouve toute la volonté de vivre de Kazuko et de sa croyance en l’avenir et tout le désespoir de son frère. Une souffrance de vie. La jalousie entre un frère et une soeur. Une écriture qui dépeint parfaitement le trouble de cette période difficile et transitoire au Japon, les émotions des personnages, leurs malaises et leurs préoccupations.
Et sans dire de qui il est, il faut savoir que dans ce roman est écrit un testament qui est, selon moi, une merveille d’écriture et qui relate parfaitement les errances mentales et la guerre intérieure d’une personne. On retrouve aussi dans ce roman l’expression parfaite de la déchéance physique pour certains mais aussi l’amour tortueux, l’amour plein, l’amour assouvi, l’amour secret ou encore l’amour platonique. L’amour familial est, de même, très présent dans cette histoire. Et tout ceci dans une société en pleine mutation. Cette histoire écrite par Osamu Dazai est forte de signification quant à un pan de l’histoire du Japon. C’est un livre de dramaturge, il est à prendre comme tel, une lecture très intéressante d’après moi. La plume y est parfois poétique et parfois violente. On y perçoit toute le tumulte, les tourments et la souffrance de cet auteur, suicidé alors qu’il n’avait pas encore 40 ans. Mais ici une personne essaie de s’en sortir, une raison de vivre non négligeable, mais je ne peux vous en dire plus…
Biographie : Osamu Dazai (太宰 治, Dazai Osamu), né le 19 juin 1909 et mort le 13 juin 1948, est l’un des écrivains japonais les plus célèbres du xxe siècle. Il est surtout connu pour son style ironique et pessimiste, typique du watakushi shōsetsu, ainsi que pour une obsession pour le suicide et son sens aigu de la fantaisie.
Citations :
« Sensation de désespoir, comme s’il était absolument impossible de continuer à vivre. Des vagues douloureuses battent sans cesse sur mon coeur, comparables aux nuages blancs qui, après un orage, courent avec frénésie sur le ciel. Une terrible émotion – dirai-je une appréhension ? – me tord le coeur et ne le lâche que juste à temps, rend mon pouls arythmique et me coupe le souffle. Par moments, tout devient brumeux et noir devant mes yeux et je sens la force de tout mon corps s’échapper par le bout de mes doigts. »
« Depuis le déshonneur dont je fus coupable en risquant de provoquer un incendie, je crois parfois sentir que mon sang est un peu plus foncé et que je deviens chaque jour davantage une campagnarde épaisse. Quand, par exemple, je reste assise sur la terrasse pour tricoter avec Mère, j’éprouve un malaise étrange et c’est avec soulagement que je pars travailler la terre. »
« Ma première lettre faisait allusion à un arc-en-ciel déployé dans mon sein. Cet arc-en-ciel n’a pas la beauté fine de l’éclat des étincelles ou des étoiles. S’il était aussi léger, aussi lointain, je ne souffrirais pas de cette manière et il est probable qu’avec le temps je vous oublierais. L’arc-en-ciel déployait dans mon sein est un pont de flammes. La sensation en est si vive qu’elle me brûle le sein. Le besoin de narcotiques pour un intoxiqué privé de drogues ne peut être aussi pénible. (…) Je vous en prie, venez ici juste une fois. »
« Je me demande si nous sommes à blâmer, après tout. Est-ce notre faute si nous sommes nés aristocrates ? Simplement parce que nous sommes nés dans cette famille, nous sommes condamnés à passer notre vie entière dans l’humiliation, les excuses et l’abaissement, comme tant de Juifs. »
J’intègre cette lecture au challenge Ecrivains japonais 2013 d’Adalana, au challenge ABC Babelio 2012/2013 et au challenge Petit bac 2013.
l’univers de cet écrivain est comme sa vie sombre, noir mais c’est un auteur à lire je pense notamment ce livre que tu présentes si bien
Oui pour la culture générale déjà c’est forcément un livre intéressant car il raconte une mutation très importante qui a touché le Japon et l’on explore ici les répercussions sur une famille. Après si on ne connait pas bien l’histoire il suffit d’aller sur Wikipédia, chose que j’ai d’ailleurs faite pour en savoir davantage. Et littérairement parlant c’est une réussite je trouve aussi 🙂 Un auteur à découvrir.
Il faut que je m’intéresse de plus près à la littérature asiatique, comme à la littérature nordique, américaine et sud américaine, italienne, espagnole… j’ai de grosses lacunes mais je ne peux pas tout lire en même temps malheureusement ou alors il faudrait que je ne dorme plus la nuit 🙂 Bonne soirée Laure bisous
Oui c’est frustrant des fois ! J’ai pas mal de nationalités différentes dans ma PAL je crois. C’est vrai que je pense que c’est intéressant de lire diverses littératures et ceci de divers pays, c’est enrichissant et apporte beaucoup en terme de sensibilité et de vision.
bisous Bianca et bonne soirée 😀
Tu en parles très bien Laure … Bonne soirée bises
C’est gentil Catherine, bonne soirée également bisous 😀
Très beau billet Laure. J’aimerais lire « Soleil couchant » (entre autres), notamment pour ce que tu écris à propos du testament, de son écriture somptueuse. Mais ce sera pour décembre, lors du mois libre, car je n’ai malheureusement trouvé aucune de ses œuvres à la médiathèque et je dois faire attention à ne pas trop dépenser ces temps-ci. Je participerai le mois prochain ! Bises ! 😉
Merci Heide !
Je veux bien te l’envoyer si tu veux, il n’est pas épais 😉 Dans ce cas tu peux me donner ton adresse par mail 🙂
bises 😀
Tu parles très bien de ce livre qui évoque une partie sombre de la vie au Japon . Nul doute que cet écrivain a su composer un climat de grande difficulté financière et morale. Je pense que peu de livres touchent à ce triste épisode ? Bonne soirée Bises Laure
Je ne pourrais te répondre car je suis vraiment novice en littérature japonaise, c’est la grande découverte pour moi !
Je te souhaite une belle soirée aussi Paulette bises 😀
Voilà un auteur que je ne connais pas du tout mais il faut dire que je suis bien plus attirée par la littérature Nordique que Japonaise. Pour une fois ça ne me tente pas du tout, ce n’est pas ma PAL qui s’en plaindra :0) Bonne journée Laure, bisous (toujours pluie aujourd’hui quand donc viendra le printemps pour de bon, ce gris commence à me taper sur le moral)
Je découvre la littérature japonaise cette année. Ce livre est intéressant, après je ne sais pas si je continuerais avec la littérature japonaise l’année prochaine. Pour le moment je suis dans la phase « d’observation » et on verra au bilan de fin d’année pour le challenge japonais 😀
Je n’ai pas encore eu de coup de coeur avec cette littérature bien que j’ai pu apprécier mes lectures. 😀
Bisous L’or et bonne journée 😉
Hannnn! Qu’il a l’air bien; quel beau billet. J’adore la littérature japonaise (enfin je crois je n’en connais que trois auteurs), mais je vais attendre le retour des beaux jours pour me lancer dans un roman qui a l’air quand même assez sombre…j’ai besoin de lumière en ce moment…
Merci 😀
Oui attends dans ce cas car il est sombre effectivement et parle de beaucoup de tourments mais il est très intéressant je trouve. Il m’a plu sans que ce soit un coup de coeur 😉
bisous
Comme ça à chaud, je dirais que le contexte ne me tente pas trop mais je trouve les extraits que tu as choisis vraiment beaux.
Un livre particulier, noir mais qui démontre bien toute la difficulté à se faire une place et une vie parfois, surtout quand on n’est plus forcément du « bon côté » 😉
Que tu es gentille Laure ! J’accepte ta proposition et je te promets de te le rendre dès que je l’aurai lu. Je te le renverrai par courrier, donc tu penseras à indiquer également ton adresse postale sur le paquet (ou par mail). Bises ! 😀
Dès que j’ai ton adresse je te l’envoie 😉 Tu trouveras mon adresse mail en haut à droite 🙂 bises !
Ou alors tu as peut-être aussi une adresse mail d’indiquée quand je te laisse un commentaire 😉
Je n’ai malheureusement pas pu lire Osamu Dazai ce mois ci, et à la lecture de ton billet, je me dis que c’est bien dommage… Ce sera pour une prochaine fois, tu as su me donner envie de reporter mon rdv avec cet auteur 🙂
C’était in extremis pour moi aussi 🙂 Je trouve que c’est un livre intéressant et Osamu Dazai a une belle écriture. J’espère qu’il te plaira si tu le lis 🙂
La noirceur (la déchéance) est le crédo de cet auteur. Une bonne partie de ce qu’il a écrit ressemble à sa vie. Comme d’habitude tu parles de ta lecture avec enthousiasme et tu sais provoquer l’envie.
Ton addiction à la lecture te réussit particulièrement bien…
Et… tu as bien raison d’avoir pris le temps de respirer. 🙂
Des bisous la miss. 😛
Oh merci merci Jean-Charles 😳
Je suis touchée et sans voix du coup … 😀
Des bisous 😉
Une femme sans voix, est-ce possible ? 😆
😆 finalement je ne reste pas sans voix, je ris 😆
Me voilà sans voix ! 😕
C’est bien avec tes commentaires j’apprends des smileys 😀 😕
je les cherche !!! 😆
Parce que celui-ci : 😕 Je ne savais pas le faire. Comment ça tu les cherche ? (je crois que je vais me coucher je comprends rien 😆 )
Je vais sur les sites spécialisés… http://bit.ly/a1rWCQ T’as bu ce soir ? ;oops:
Ahhhh !!! Je n’avais pas compris que tu les cherchais :roll:. Moi j’ai appris les smileys quand vous en mettez en fait toi et Aspho surtout. Car dans les mails que je reçois pour les commentaires je vois comment ils sont faits 😉 Merci pour le lien 😀
lol… de temps en temps une bonne vague met les idées en place 😆
oui tout à fait 😆 😀 😛 (celui-là je ne connaissais pas tiens !)
On est au moins sûr d’en trouver en Bretagne c’est pas comme le soleil 😛 😆 😀 🙂
Le soleil est toujours là en Bretagne ! Il est juste souvent caché par les nuages ! 😆 😆 (oui je sais elle est nulle 🙄 )
[…] Laure […]
Après avoir lu ton billet, j’en viens à me demander si j’ai lu le même livre. Ah, les sensibilités personnelles, un mystère.
D’ailleurs, la quatrième de couverture « qui en dit beaucoup trop » ne m’avait même pas choqué, comme quoi je suis vraiment passé à côté de ce livre ^^’
Quand je dis qu’elle en dit trop je ne dis pas qu’elle m’a choqué, mais je trouve qu’elle donne une information qui doit être découverte au fil de la lecture 😉
Oui nous avons chacun nos sensibilités et les auteurs aussi c’est ce qui permet donc d’avoir autant de richesse dans la littérature je trouve 🙂 C’est donc une bonne chose. Après ça n’a pas été un coup de coeur mais j’ai bien apprécié cette lecture 😉
Merci Baroona et bonne journée !
[…] Osamu Dazai – Soleil couchant […]