Haruki Murakami – La ballade de l’impossible

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la ballade de l'impossible

Dans un avion, une chanson ramène Watanabe à ses souvenirs. Son amour de lycée pour Naoko, hantée comme lui par le suicide de leur ami Kizuki. Puis sa rencontre avec une jeune fille, Midori, qui combat ses démons en affrontant la vie. Hommage aux amours enfuies, le premier roman culte d’Hakuri Murakami fait resurgir la violence et la poésie de l’adolescence.

          Après la mort de son ami Kizuki, Watanabe, le narrateur, part de Kobé pour aller faire ses études à Tokyo, et c’est par hasard qu’il y rencontrera Naoko, dans le train, l’ancienne petite amie de Kizuki. Ils étaient souvent tous les trois. A leurs retrouvailles, ils feront alors tous les deux de longues promenades et deviendront petits amis. Mais lors de leur première fois, Naoko s’enfuit et elle se réfugie dans une maison de repos. Elle est hantée par la mort de Kizuki, tout comme Watanabe, ce qui l’empêchera, entre autres, de faire sa vie normalement. Naoko est une femme d’une grande sensibilité, pleine de mystères, perturbée par ses démons. Watanabe est amoureux d’elle et il ira la voir et lui écrira régulièrement. Il rencontrera Reiko, qui partage le logement de Naoko dans cette institution, une femme qui aura tenté de se suicider, accablée par une rumeur. Mais elle est là depuis 8 ans et pourrait presque faire partie des soignants. Tous deux tenteront d’aider Naoko à sortir de sa torpeur et son silence.

Lors de ses études il se liera d’amitié avec Nagawasa, garçon sûr de lui, influent, intelligent, qui veut faire partie du ministère des affaires étrangères : « La raison principale est que je voulais tester mes capacités. Alors autant le faire à l’intérieur de l’organisation la plus importante. C’est-à-dire l’Etat. Je veux essayer de savoir jusqu’où je peux grimper dans cette énorme machine administrative, et jusqu’où j’ai la force de tenir.«  Ils partageront ensembles leurs lectures et des filles… Pourtant Nagawasa a une petite amie, Hatsumi, qu’il aura préalablement prévenu de qui il est, c’est un garçon honnête. Elle l’aime malgré tout. Mais Watanabe est amoureux de Naoko et ne peut se résoudre à continuer ce genre de frasques. Il rencontrera Midori, qui partage un cours avec lui, une fille très spéciale et qui elle aussi rencontre des difficultés. Ensembles ils auront d’agréables moments de rires et beaucoup d’affinités. Midori a un petit ami, une soeur, une mère disparue depuis deux ans d’une tumeur au cerveau et un père qui est lui aussi malade. Elle a un grand manque d’affection et d’amour : « J’ai toujours eu soif d’affection. J’aurais voulu au moins une fois dans ma vie recevoir de l’amour à satiété. Au point d’en être écoeurée et d’en refuser davantage. Une seule fois, juste une seule fois. Mais ils ne l’ont pas fait, jamais (ses parents). Quand je jouais à l’enfant gâtée, ils me repoussaient, et ils ne faisaient que de se plaindre que je leur coûtais de l’argent, ça a toujours été comme ça. Alors je me suis dit que je ferais tout pour trouver quelqu’un qui m’aimerait pleinement. J’étais en septième ou en huitième quand j’ai pris ma décision. »

          Je ne vais pas en dire plus pour vous laisser découvrir cette histoire. Mon ressenti pour cette lecture est contradictoire. Autant j’ai aimé l’histoire, l’écriture d’Haruki Murakami, l’omniprésence de l’amour, la profondeur des sentiments. Autant les scènes répétées de sexe, même si elles sont très gentilles et reflètent cette période sulfureuse de la vie, m’ont dérangées, ainsi que des monologues parfois ennuyeux, car bien trop longs. En règle général je n’apprécie pas d’avoir du sexe dans les histoires quand il ne (me) semble pas nécessaire à la compréhension et au sens du roman, et s’il l’est, il faut qu’il soit plutôt suggéré. Cela reste un avis très personnel bien entendu. Quant aux monologues ils ont vocation à raconter la vie ainsi que les émotions des protagonistes et à les comprendre, mais j’ai ressenti cette sensation de longueur parfois et cela aurait pu être plus court sans enlever de la valeur au récit à mon sens.

Cependant Haruki Murakami sait mêler la noirceur au beau, c’est ce qui m’a frappé, dans le sens où la mort est très présente dans l’histoire, la solitude pesante, la « folie », mais aussi les moments de poésie et de beauté d’instants de vie, de don de soi et l’amour. C’est une histoire sombre qui peut être déprimante par tout ses côtés morbides, la mort frappant à plusieurs reprises dans l’entourage des personnages, par l’évocation de l’adolescence douloureuse, par la difficulté de vivre. Tout n’est pourtant pas négatif et des rencontres peuvent se trouver être bienfaitrices et pleines d’une promesse d’avenir…

Je ne sais pas trop quoi penser de ce roman. Certaines choses m’ont dérangée mais certaines autres m’ont beaucoup plu. J’aurais peut-être besoin de plus de recul quant à cette lecture. Ce qui est certain c’est que le monde de Murakami ne me laisse pas indifférente, j’aime ce côté spécial et bizarre, son écriture est très agréable. Les personnages sont travaillés en profondeur, tout en émotion, en sentiment, en caractère. Je les vois, je les connais, il sont réels. On ressent leurs peines, leurs douleurs, leurs amours, leurs difficultés, leurs solitudes, leurs joies, leurs doutes, leurs désarrois etc. C’est sans doute cette capacité à dépeindre des personnages avec autant d’intensité qui fait la force de cet auteur.

Je ne peux que vous conseiller de le lire pour vous faire votre propre avis.

Quelques citations :

« Eh bien, cela lui arrive de temps en temps, me répondit-elle en observant cette fois-ci sa main gauche. Elle est comme ça de temps en temps. Elle s’énerve et elle pleure. Mais ce n’est pas grave en soi. Puisqu’elle exprime ses sentiments. C’est quand on ne peut plus le faire que cela devient dangereux. Alors, les émotions s’accumulent à l’intérieur du corps et se durcissent. Toutes sortes de sentiments se figent et meurent à l’intérieur du corps. Et c’est terrible. »

« Naoko s’assit à mes côtés sur le sofa et s’appuya sur moi. Je passai mon bras autour d’elle, et elle vint poser sa tête sur mon épaule, collant son nez contre mon cou. Et elle resta ainsi immobile, comme si elle voulait prendre ma température. A l’avoir ainsi dans mes bras, je sentais mon coeur s’enflammer pour elle. Elle se leva bientôt sans rien dire et sortit aussi discrètement qu’elle était entrée. »

« – On pourrait presque intervertir les patients avec les membres du personnel dis-je avec admiration.

– Vous avez tout à  fait raison, dit Reiko en brandissant sa fourchette, on dirait que vous commencez à comprendre comment est fait le monde.

– On dirait, approuvai-je.

– Ce qui est bien avec nous, dit Reiko, c’est que nous, nous savons que nous sommes atteintes. »

« Et puis tu peux me faire ce que tu veux, sauf me blesser. J’ai reçu assez de blessures dans ma vie jusqu’à présent pour accepter d’en recevoir davantage. J’ai envie d’être heureuse. »

« – Quand la famille vient en visite, on mange ensemble ici, n’est-ce pas ? Alors tout le monde laisse à peu près la moitié de son repas dans son assiette, exactement comme toi. Et puisque moi je mange de tout avec appétit, ils s’étonnent de me trouver en pleine forme alors qu’eux ils sont tellement émus qu’ils ne peuvent rien avaler. Mais  c’est moi qui m’occupe du malade. Ils me font rigoler ! Les autres se contentent de venir une fois de temps en temps pour s’apitoyer. C’est moi qui lui fais faire ses besoins, qui recueille ses crachats, et qui le lave. S’il suffisait de s’apitoyer pour que tout cela se fasse, tu penses bien que je serais la première à le faire. Au lieu de quoi, ils sont tous là à me regarder manger d’un air désapprobateur et s’étonnent de ma bonne santé. Ils me prennent sans doute pour une sorte d’âne qui tire une charrette. Je me demande pourquoi tous ces gens qui ont atteint un certain âge ne comprennent pas un peu mieux comment est fait le monde. On peut dire à peu près  tout ce qu’on veut. L’essentiel, c’est de savoir si on s’occupe de mettre la main à la pâte ou non. Il m’arrive d’être blessée, tu sais. Il m’arrive d’être complètement épuisée. Il m’arrive aussi d’avoir envie de pleurer. Essaie un peu de te mettre à ma place, comment peut-on supporter de voir les médecins lui ouvrir la tête et recommencer sans arrêt, quitte à le rendre un peu plus fou à chaque fois, alors qu’ils savent très bien qu’il n’y a plus d’espoir ? Avec la vie qui devient de plus en plus difficile, je ne sais même pas si je vais pouvoir finir mes études universitaires, il me reste trois ans et demi, et, dans cette situation, il n’est pas question pour ma soeur de penser à une cérémonie de mariage. »

Biographie :

Haruki Murakami (村上 春樹, Murakami Haruki), né à Kyōto le 12 janvier 1949, est un écrivain japonais contemporain. Biographie complète ici.

J’intègre cette lecture au challenge « Ecrivains japonais 2013 » d’Adalana et au challenge « Romans cultes » de Métaphore. Ainsi que mon challenge « A tous prix » Prix Yomuiri.

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